Ça aurait été bon de lire le texte de depart, celui de Falardeau. Ce qu'il y a de certain, c'est que un dialogue entre Falardeau et Cassivi ne peut pas être autre chose qu'un dialogue de sourds. Cassivi est un ignorant et, à sa propre insu, il défend les intérêts de Power Corp. pendant qu'il pense qu'il jouit d'une pleine liberté d'expression. Ce qu'il ne comprend pas c'est que, s'il a été employé par La Presse, c'est parce que, grâce à quelques journalistes comme lui, La Presse peut continuer à prétendre représenter un évantail varié d'opinions tout en demeurant un journal extrêmement conservateur. Des wanna be think tank comme Cassivi sont complètement innofensifs pour Power Corp et leurs amis. Ils sont la vaseline bien pensante qui permet d'enculer l'opinion publique. Cassivi communique, c'est sa job de communiquer, le problème, et ce qu'il y a de plus grave, c'est qu'il ne communique absolument rien. On lui a enseigné à communiquer des petites histoires destinées à générer des minis catarsis pour nous faire réfléchir et sentir de façon limitée, limitée parce que jamais, au grand jamais, faudrait-il que les mots d'un journaliste de Power Corp. nous fassent agir.
Quand il dit que Falardeau lui donne presque honte d'être souverainiste, il le dit comme si être souverainiste était une genre de maladie héréditaire, comme si le fait qu'il soit souverainiste n'était pas le fruit d'un processus de réflexion duquel en découlerait une décision sur l'avenir social, politique, économique et culturel de la collectivité à laquelle il appartient. Si les propos d'un individu avec lequel Cassivi ne partage que l'intention de répondre oui à la question cruciale sont suffisants pour lui donner "parfois honte d'être souverainiste", je l'inviterais à se requestionner sur le sens qu'aurait pour lui une éventuelle indépendance du Québec. Ce qu'il manque à des pseudo-souverainistes comme Cassivi et des millions d'autres, c'est un minimum de connaissances sur le sens de deux concepts auxquels Falardeau fait allusion dans sa réplique: colonialisme et impérialisme.
Ces deux termes ont un une charge extrêmement lourde car ils sont essentiels pour expliquer comment s'exerce l'oppression sur une collectivité, entendue comme un groupe de sujets sociaux, historiques et politiques. Avant toute chose, ce que les québécois ont en commun, ce qui fait d'eux une collectivité, c'est que chacun d'entre eux est conditionné historiquement, socialement, politiquement et, dans une moindre mesure mais quand même, économiquement par l'impérialisme et le colonialisme, premièrement britannique et autrefois religieux, ensuite fédéral et finalement néo-libéral. Le sens de l'indépendance, dans cette perspective, consiste précisément en la seule sortie possible de ce joug colonialiste et impérialiste. Toutefois, l'indépendance n'est qu'un pas dans cette direction. Ensuite, la collectivité québécoise doit par elle-même trouver le moyen de construire une société libérée de ce joug à la fois colonial et impérial sans non plus succomber à la tentation d'exercer elle même ce type de politiques sur d'autres collectivités qui lui seraient endogènes ou exogènes.
Pour ce qui est de l'expression "japanouille à barbiche", je dois admettre que c'était vraiment gratuit de la part de Falardeau, peu importe le contexte. Ça trahit un manque de capacité à garder son calme, un humour archaïque et dépassé qui date du temps où le Québec n'avait que très peu de contacts avec le monde extérieur parce que colonisé et sous le joug de l'impérialisme britannique et catholique dont Pierre Falardeau est le fruit. Cependant, le fond du discours de Falardeau est plus actuel que jamais et c'est dommage qu'il semble ne rester que lui pour l'exprimer, plus souvent qu'autrement de façon maladroite et dans un langage de baby boomer frustré. Malheureusement, ce ne sont pas de pseudo-souverainistes wanna be think thank comme Marc Cassivi qui vont pouvoir faire en sorte que l'on comprenne mieux ces concepts afin de nous connaître mieux en tant que collectivité.
Quant aux signataires du manifestes pour l'intronisation de David Suzuki au Pantéon des martyrs de la cause verte, ici, vraiment, Falardeau a tout dit, de la façon la plus intelligente, mordace et appropriée que l'on pourrait souhaiter. Du Falardeau à son meilleur. Dommage qu'il ait fallu qu'il commence par dire une stupidité pour en arriver là.
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