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jeudi 6 août 2009

Dehors, Novembre: Dédé Fortin, Rêveur Éveillé

Faut croire qu'il est temps de se remémorer. Cet hiver, il y a eu le film, Dédé À Travers Les Brumes, qui a amené sa vague de souvenirs, puis cette semaine, il y eut pas moins de trois spectacles-hommages à Dédé Fortin, dont un avec quelques-uns de ses anciens comparses des Colocs.

Puis une autre pluie de textes sur André ''Dédé'' Fortin, dont trois sur Cyberpresse: Marc Cassivi qui me vole mon opinion, Alexandre Vigneault aussi, et Marie-Christine Blais en fan toujours aussi finie qui parle de son enterrement.

Bon, je dis ''vole mon opinion'', mais ce n'est que parce qu'eux aussi n'ont pas trippé sur le premier disque des Colocs, celui des méga-succès Julie, Passe-Moé La Puck et La Rue Principale (bien que j'avais trouvé les clips pas mals). C'était, pour moi, ni plus ni moins que de la musique de party (trop?) typiquement provinciale avec des textes vaguement sociaux mais assez communs, trop évidents - comme une publicité où l'on voit des enfants africains mourrir de faim. Bien sûr que ça nous touche, mais: 1. vous y êtes déjà à les filmer, aidez-les vous-mêmes, et 2. c'est trop évident qu'on joue avec nos instincts primaires, c'est devenu plus qu'on sait qu'on se sentirait mal d'être indifférents alors on s'efforce de ne pas l'être.

Déjà, en 1995, avec Bon Yeu, sur Atrocetomique, bien que la langue y était plus crue, le message passait mieux. Le problème de la rareté de l'emploi, de la pauvreté y était quand même traité plus subtilement et moins directement que dans Passe-Moé La Puck, qui traitait d'itinérance et de l'hypocrisie de l'attention qu'on y consacre au temps des fêtes. Le clip de Bon Yeu, en plus, sa simplicité, en fait, ne faisait qu'ajouter au message: loin du stop-motion des trois premiers hits, on reprenait les cartons blancs avec messages en noir de Subterranean Homesick Blues de Bob Dylan, le premier clip à utiliser ce procédé, mais, par surcroît, de filmer le tout dans la cour d'une église abandonnée - située à côté du 2116 St-laurent où le groupe a été formé - vouée à la démolition malgré son statut de monument national, on ajoutait un second degré à l'idée.

Ah, les idées. Fortin en débordait. Celle de lancer son deuxième album au Spectrum, au party référendaire du camp du Oui le soir du référendum sur la souveraineté de 1995, alors que Mike Sawatzky, guitariste du groupe, un Cri anglophone de l'Ouest Canadien de naissance, est partisan du Non, en était une qu'il aurait pu abandonner. Un peu parce que c'était un pari risqué de devoir chanter ses chansons de party dans une ambiance de défaite si défaite il devait y avoir, mais aussi parce qu'il est prétentieux, après seulement un album, de se faire la tête d'affiche d'une cause défendue depuis des décennies par les Richard Séguin, Richard Desjardins et autres Paul Piché.

Et non seulement il y a eu défaite, mais le discours que prononça Jacques Parizeau, blâmant légendairement ''l'argent et le vote ethnique'' allait totalement à l'encontre des valeurs de Dédé, qui voulait, oui, un Québec souverain et indépendant, mais le voulait inclusif, pour tous ceux qui voulaient être Québécois, peu importe la langue d'origine, la couleur de peau, la religion, l'orientation sexuelle...

Le Québec de Dédé Fortin non seulement acceptait un Mike Sawatzky mais tenait à son épanouissement. Celui de Parizeau lui a confirmé ce que Sawatzky avait entendu toute sa vie: speak white, hostie. M'enfin...

Je ne sais pas si je suis anormal ou vicieux, mais je semble préférer l'art qui naît dans la tristesse. Avec la mort de son comparse et Coloc d'origine Patrick Di Napoli (VIH, 1994) , la défaite référendaire et la crise du verglas déprimante à souhait début 1998, Fortin en a broyé du noir.

Et il nous a pondu Dehors Novembre, le deuxième meilleur disque de l'histoire du Québec. Je vous épargnerai pour l'instant (et garderai pour un texte prochain) les raisons qui me poussent à l'en classer ainsi (et l'identité des autres qui l'entourent), mais il s'agît d'un album parfait: sombre, texturé, textes recherchés et poignants, ouverture sur le monde, phrases en Wolof, band aggrandi, quelques tounes plus beatées (dont une entièrement reggae) pour plaire aux radios, la meilleure chanson une ballade morbide - Le Répondeur - que le groupe refuse de sortir en single (un peu comme Black, de Pearl Jam, en 91-92), un vrai trip artistique réussi du début à la fin.

Je l'ai acheté parce qu'il était en spécial au Future Shop à 9.99$ (comme la plupart des nouveautés de la semaine à l'époque) et je savais que je pouvais le revendre pour 6 ou 7 dollars à un magasin de disques usagés si je ne l'aimais pas, une moindre perte; j'avais l'habitude d'acheter entre 5 et 10 disques par semaine à l'époque, juste pour voir (et surtout entendre!) ce qui se faisait, partout, en musique.

C'était en mai 1998, premiers balbutiements de ma relation avec une fille qui s'appelait Myriam. En arrivant chez ma copine, qui travaillait, je me suis assis sur le divan et j'ai mis le disque, m'attendant à endurer un calvaire d'environ une heure avant de passer à autre chose. Mais voilà, je n'ai pas bougé d'un poil pendant toute l'écoute, même qu'une fois le disque terminé, je suis resté sur place, ébahi, mortifié, atteint, dévasté.

Chaque mot un pincement au coeur, chaque phrase qui se termine un tour de fer dans la plaie. Je l'ai ré-écouté 6 autres fois avant que Myriam ne revienne de travailler.

- Qu'est-ce que tu fais là?
- Je viens de finir d'écouter le nouveau disque des Colocs. Sept fois...
- Sept fois? Mais tu ne les aime même pas!
- C'est ma-la-de. C'est tellement bon, tellement touchant, tellement marquant. Tu te souviens il y a deux ans, l'effet qu'a eu Le Dôme de Jean Leloup? Bien que tout le monde l'aimait, ce fut la surprise quand même quand le chef d'oeuvre est sorti?
- Ouais...
- Pareil. Mais en triste au lieu d'en fucké. Au lieu de te confondre dans un Manoir À L'Envers - quand tu ne sais pas qui est M.C. Escher, bien entendu - ou de te parler d'Edgar Poe saoûl sur le bord de la route, ben il te parle de mort, de dépression hivernale, de solitude. Et pis ça frappe dans le mille.

Contrairement à ce que l'on peut penser, puisque je suis un musicien avec une formation en cinéma, rarement je n'associe une chanson avec un événement, sauf, bien entendu, dans un concert. Je le précise parce qu'à l'été 1998, ma relation avec la fille citée plus haut a pris fin. Il appert aussi que j'ai passé une bonne partie de l'été à écouter l'album des Colocs. Certains font le lien: il était déprimé, il a écouté de la musique déprimante, c'est pour cela qu'il aime l'album. Mais non. Non seulement il n'y avait aucune chanson sur repeat chez moi, mais même à ce jour, je n'associe aucune chanson (d'aucun artiste) ni aux meilleurs ni aux pires moments de ma relation avec elle, ni à ma façon de passer au travers la rupture (qui fut, en fait, d'obtenir le premier ''emploi de rêve qui allait me décevoir'', soit de travailler au magasin de livres et de disques usagés L'Échange).

Certaines chansons ont beaucoup tourné à la radio et à MusiquePlus, je pense ici évidemment à Tassez-Vous De D'Là et Pis Si Ô Moins, une rotation excessive qui aurait pu tuer le goût d'entendre ces chansons-là, mais il n'en fut rien. Et c'est tant mieux.

Avec le temps, j'ai pu apprivoiser certaines des pièces des albums précédents de façon à ne pas chercher les toilettes à tout prix quand je les entends dans un bar ou chez quelqu'un, mais elles demeurent moins bonnes et moins marquantes, moins poignantes que celles de Dehors Novembre. Comme si elles étaient incomplètes.

J'en discutais avec Jimmy Bourgoing, leur batteur originel, qui quittait le navire en 1998. Même lui ne peut écouter certaines pièces, dont la chanson-titre dont il a co-signé la musique, de l'album, parce qu'elles sont trop touchantes.

Il est difficile d'élever au rang de légende un artiste qui a pondu un chef d'oeuvre et deux albums potables, mais on l'a fait pour Kurt Cobain en 1994, même que pour lui, de façon posthume, on a révisé tous les palmarès du temps qu'il était en vie pour le faire passer de la deuxième, troisième, cinquième, dixième place à la première, révisionnisme assez bâtard. Et je pleure chaque fois que Dédé Fortin est comparé à Cobain, parce que c'est le rabaisser énormément que de le catégoriser ainsi.

Avec Leloup, Fortin aura été le porte-étendard d'une culture québécoise populaire et intelligente des années 90, qu'ils ont dû porter bien haut et bien seuls, malheureusement, trop peu souvent suivis par des Daniel Bélanger et Kevin Parent pas toujours à la hauteur - et dépassés en termes de ventes par des Éric Lapointe cheaps et des centaines de clones de Céline Dion.

dimanche 2 novembre 2008

Réflexion sur le duel Cassivi-Falardeau

Ça aurait été bon de lire le texte de depart, celui de Falardeau. Ce qu'il y a de certain, c'est que un dialogue entre Falardeau et Cassivi ne peut pas être autre chose qu'un dialogue de sourds. Cassivi est un ignorant et, à sa propre insu, il défend les intérêts de Power Corp. pendant qu'il pense qu'il jouit d'une pleine liberté d'expression. Ce qu'il ne comprend pas c'est que, s'il a été employé par La Presse, c'est parce que, grâce à quelques journalistes comme lui, La Presse peut continuer à prétendre représenter un évantail varié d'opinions tout en demeurant un journal extrêmement conservateur. Des wanna be think tank comme Cassivi sont complètement innofensifs pour Power Corp et leurs amis. Ils sont la vaseline bien pensante qui permet d'enculer l'opinion publique. Cassivi communique, c'est sa job de communiquer, le problème, et ce qu'il y a de plus grave, c'est qu'il ne communique absolument rien. On lui a enseigné à communiquer des petites histoires destinées à générer des minis catarsis pour nous faire réfléchir et sentir de façon limitée, limitée parce que jamais, au grand jamais, faudrait-il que les mots d'un journaliste de Power Corp. nous fassent agir.

Quand il dit que Falardeau lui donne presque honte d'être souverainiste, il le dit comme si être souverainiste était une genre de maladie héréditaire, comme si le fait qu'il soit souverainiste n'était pas le fruit d'un processus de réflexion duquel en découlerait une décision sur l'avenir social, politique, économique et culturel de la collectivité à laquelle il appartient. Si les propos d'un individu avec lequel Cassivi ne partage que l'intention de répondre oui à la question cruciale sont suffisants pour lui donner "parfois honte d'être souverainiste", je l'inviterais à se requestionner sur le sens qu'aurait pour lui une éventuelle indépendance du Québec. Ce qu'il manque à des pseudo-souverainistes comme Cassivi et des millions d'autres, c'est un minimum de connaissances sur le sens de deux concepts auxquels Falardeau fait allusion dans sa réplique: colonialisme et impérialisme.

Ces deux termes ont un une charge extrêmement lourde car ils sont essentiels pour expliquer comment s'exerce l'oppression sur une collectivité, entendue comme un groupe de sujets sociaux, historiques et politiques. Avant toute chose, ce que les québécois ont en commun, ce qui fait d'eux une collectivité, c'est que chacun d'entre eux est conditionné historiquement, socialement, politiquement et, dans une moindre mesure mais quand même, économiquement par l'impérialisme et le colonialisme, premièrement britannique et autrefois religieux, ensuite fédéral et finalement néo-libéral. Le sens de l'indépendance, dans cette perspective, consiste précisément en la seule sortie possible de ce joug colonialiste et impérialiste. Toutefois, l'indépendance n'est qu'un pas dans cette direction. Ensuite, la collectivité québécoise doit par elle-même trouver le moyen de construire une société libérée de ce joug à la fois colonial et impérial sans non plus succomber à la tentation d'exercer elle même ce type de politiques sur d'autres collectivités qui lui seraient endogènes ou exogènes.

Pour ce qui est de l'expression "japanouille à barbiche", je dois admettre que c'était vraiment gratuit de la part de Falardeau, peu importe le contexte. Ça trahit un manque de capacité à garder son calme, un humour archaïque et dépassé qui date du temps où le Québec n'avait que très peu de contacts avec le monde extérieur parce que colonisé et sous le joug de l'impérialisme britannique et catholique dont Pierre Falardeau est le fruit. Cependant, le fond du discours de Falardeau est plus actuel que jamais et c'est dommage qu'il semble ne rester que lui pour l'exprimer, plus souvent qu'autrement de façon maladroite et dans un langage de baby boomer frustré. Malheureusement, ce ne sont pas de pseudo-souverainistes wanna be think thank comme Marc Cassivi qui vont pouvoir faire en sorte que l'on comprenne mieux ces concepts afin de nous connaître mieux en tant que collectivité.

Quant aux signataires du manifestes pour l'intronisation de David Suzuki au Pantéon des martyrs de la cause verte, ici, vraiment, Falardeau a tout dit, de la façon la plus intelligente, mordace et appropriée que l'on pourrait souhaiter. Du Falardeau à son meilleur. Dommage qu'il ait fallu qu'il commence par dire une stupidité pour en arriver là.

Faladeau se met encore dans la marde...

Il commence par écrire une chronique dans Ici... en envoyant chier David Suzuki.

S'ensuit Marc Cassivi qui en saute une coche...

Devenu publique, la révolte s'aggrandit: les Cowboys Fringants, André Boisclair, Hubert Reeves et maints autres signent aussi un texte à moitié antifalardiste et très pro-suzukien...

Droit de réplique, superbement écrite.


Conclusion?

Il est passé maître dans l'art de se mettre dans la marde, mais il a la gueule pour gagner son point pareil.

Mais on enlève un bout de point parce qu'il n'a pas su défendre le commentaire un peu raciste du début de contexte. Victoire, mais par décision partagée.