Je vais essayer d'être très bref cette fois-ci, même si, comme tu le dis, «ce débat épique n'est que toile de fond pour un débat plus large, plus profond». Quand tu me dis «il faut savoir choisir ses cibles», je voudrais préciser ici que ma cible ici n'est pas le Collège Notre-Dame, mais plutôt ceux qui décident de donner à cette institution privée de l'argent qui doit aller vers le public.
Ce qui est dit dans La Presse sur l'utilisation éventuelle et hypothétique de ces fonds n'est en fait qu'une déclaration. Comme je t'ai dit, il est possible que cet argent aille dans "les infrastructures", mais comme il s'agit d'une institution privée, qui n'a aucun compte à rendre sur la place publique, il n'y aura pas moyen de le savoir, à moins de faire une enquête à la J.E.
De toute façon, l'argent que le secteur public génère doit d'abord servir a l'enrichissement de notre collectivité par le biais des infrastructures de l'État. Si l'argent de Hydro-Québec va financer l'éducation, cette éducation devra être publique et non pas privée et encore moins si cet argent est octroyé dans le but d'évader des impôts en utilisant le Collège Notre-Dame comme abri fiscal parce que, dans ce cas, c'est toute notre collectivité qui se fait voler deux fois plutôt qu'une.
Quand je «place Notre-Dame au même niveau qu'une entreprise comme Labatt», je le fais parce que, tout comme Labatt et Harvard, Notre-Dame doit s'adapter au marché pour survivre ce qui fini par jouer un rôle prépondérant dans le contenu de ses programmes. Des fois cela produit même des choses pas trop mauvaises, comme par exemple le fait que désormais pratiquement tous les professeurs du collège en question situé à Montréal sont laïcs. Toutefois, si on adopte un point de vue global, cela crée un système d'éducation à deux vitesses: une vitesse pour ceux qui ont les moyens de se permettre de payer 3000$ par année pour des frais de scolarité et une autre pour le reste. Avant 1965, l'éducation c'était l'affaire des religieux et les canadiens français n'y avait pratiquement pas accès. C'est à force de luttes sociales très difficiles que celle-ci a pu s'universaliser un tant soit peu.
Ceci nous amène à parler de démocratie. Tu sais que je ne suis quand même pas naïf au point de parler de démocratie dans le sens qu'on donne au régime de la Grèce Antique qui excluait les femmes et qui avait son système d'esclavage. Je ne suis pas non plus assez imbécile pour croire que la démocratie c'est le système qui donne cours à la domination hégémonique qu'exercent les États-Unis sur le reste du monde.
La démocratie n'est pas une fin en soi, sinon une lutte constante des peuples pour leur inclusion dans la prise de décisions en ce qui concerne le sort de leur collectivité. On pourrait paraphraser Nietzche en disant, «si tu rencontre la démocratie, tue-la, ce n'est pas elle». Par définition, la démocratie ne peut être imposée par l'élite. Les luttes sociales qui ont eue lieu lors de la révolution tranquille sont un exemple de combats démocratiques, mais cela ne signifie pas qu'au Québec la démocratie soit le décors dans lequel notre quotidien se déroule.
En fait, la révolution cubaine était aussi, au départ, un ensemble de combats démocratiques et c'est l'essence même de ces luttes qui fait en sorte que ce régime ne soit pas plus dictatorial qu'il ne l'est en ce moment. C'est-à-dire que ce régime ne pourrait pas demeurer en place si les demandes populaires en faveur d'une universalisation de la santé, de l'éducation et de certains besoins essentiels n'avaient pas été satisfaites dans une certaine mesure.
En d'autres mots, la démocratie c'est à nous de la construire tous les jours de notre existence en luttant pour notre souveraineté en tant que collectivité. Cette lutte quotidienne est celle que nous menons pour faire valoir nos droits. Ceci étant dit, je suis tout à fait d'accord avec le discours de George Carlin, toutefois, je crois que l'interprétation que j'en fait diffère énormément de la tienne.
George Carlin déplore l'absence de droit et attire l'attention sur le fait que les «droits» qui nous sont accordés par les secteurs de pouvoir sont absolument fictifs. Ceci est dû au fait qu'ils nous dominent et s'arroge le «droit» de nous dire ce qu'on a «le droit de faire et de ne pas faire». Bien entendu, ils le font dans le but de se maintenir au pouvoir et non pas dans le but d'améliorer le sort de notre collectivité. Ces «droits», qui sont un peu comme des miettes de pains que l'on jetterait aux oiseaux dans un parc, ne sont en effet que des «privilèges», c'est-à-dire une sorte de manifestation de la "bonté" du dominant envers le dominé.
Le dominant n'a aucun intérêt à nous donner de vrais droits. Les vrais droits sont le fruits de luttes collectives extrêmement ardues et, une fois qu'ils sont acquis, notre collectivité se doit d'être continuellement alerte afin de ne pas les perdre. C'est en ce sens que les intérêts «privés» sont incompatibles avec les intérêts de notre collectivité. Chaque fois que l'argent public est dirigée vers des intérêt privés, c'est toute notre collectivité qui perd du pouvoir, qui s'appauvrit et c'est notre marche vers la démocratie qui fait un pas en arrière.
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