dimanche 4 octobre 2009

Notre-Dame : Ce n'est pas fini tant que ce n'est pas fini...

J'ai l'impression que ce sujet-là vient toucher une corde sensible et que ça va être difficile d'en finir : de mon côté, je vois comment il est désormais à la mode autant en Amérique du nord comme en Amérique Latine de délaisser le financement de l'éducation publique sous prétexte qu'il s'agirait d'un investissement stérile pendant que personne ne critique le financement octroyé par l'État à des institutions d'enseignement privées (lire dont le but premier est de faire de l'argent en vendant de l'enseignement); et de ton côté, c'est ton ancienne école secondaire, celle qui s'est chargée de construire ta connaissance ainsi qu'une partie de ton identité au cours d'une étape de ta vie dans laquelle ces deux éléments sont primordiales dans ton cheminement personnel. Toutefois, ne perds pas de vue qu'elle l'a fait à un prix exorbitant.

Je commencerai par répondre à la question suivante, celle qui clôture ton article et qui m'oblige en quelque sorte à ne pas passer à autre chose :
«s'il faut niveler par le haut et non par le bas (ce que nous prônons tous deux), pourquoi faut-il s'attaquer au haut avant d'améliorer le bas?»


La réponse est très simple : parce que, en démocratie, tous les citoyens sont censés être dotés de droits et de responsabilités. Afin de jouir de leurs droits, ceux-ci doivent d'abord assumer leurs responsabilités. En ce qui concerne la question qui nous intéresse plus particulièrement, la responsabilité citoyenne doit être assumée en fonction des moyens du contribuable. Par conséquent, si ceux qui se trouvent en haut gardent tout l'argent, il sera extrêmement difficile de niveler tout court, que ce soit par le haut ou par le bas.

Alors, il est primordiale que les profits d'Hydro-Québec (qui soit dit en passant appartiennent à tous les québécois, ceux d'en haut et ceux d'en bas confondus) doivent servir à enrichir la collectivité dans son ensemble, c'est-à-dire ce qui est du domaine public et non privé.

En ce sens, le fait que Notre-Dame soit privée lui enlève son statut d'école. Avant d'être une école, il s'agit d'une entité privée dont l'objectif principal n'est pas de faire avancer la collectivité, mais plutôt de s'enrichir en vendant de l'éducation à des familles qui ont le pouvoir d'achat pour se la permettre.

Par conséquent, ce n'est pas «une compagnie qui donne de l'argent à une école», mais plutôt, une société d'État dont la raison d'être est d'enrichir notre collectivité qui donne de l'argent à une compagnie et, par dessus le marché, une compagnie qui a formé celui qui s'est chargé de mettre la main dans les profits de l'entreprise nationale d'électricité.

Je suis tout à fait d'accord pour dire que ce serait une bonne chose que Hydro-Québec finance les écoles. J'irais même jusqu'à dire que ce serait moins pire si le président de Hydro-Québec, dans le cas hypothétique où celui-ci proviendrait du système d'éducation public, décidait de donner de cet argent à son ancienne école secondaire.

Toutefois, ce type de situation serait pratiquement impossible pour deux raisons. La première est que les écoles secondaires publiques ne disposent pas des fonds et autres ressources suffisantes pour faire pression sur un haut cadre de Hydro-Québec afin d'obtenir des privilèges de leur ancien élève.

La deuxième est qu'elle font partie d'un «système» qui permet une certaine homogénéisation des salaires, des fonds qui leur sont destinés, etc. Cela veut dire que, si on donne de l'argent à une école publique, on est obligé de donner à toutes.

En d'autres mots, le système d'éducation publique accompli un travail «nivélateur» de par son essence même. Si notre collectivité décidait qu'une grande partie des profits de Hydro-Québec devait aller au financement du système public d'éducation, tu peux être sûr qu'ils auraient mon vote.

Toutefois, si Hydro-Québec se lance dans la pseudo-charité en garrochant un petit 250 mille piasses sans nous demander la permission à une entreprise qui vend des diplômes pour que son président se donne bonne conscience, je me sens en droit de m'insurger.

«Bon, bémol en partant: je ne parle pas de Pepsi qui sponsoriserait un cours sur l'Histoire 101 Pepsi où chaque homme de Cro-magnon serait dépeint avec une bouteille dudit breuvage, mais bien d'une société d'État qui donne du cash sans rien demander en retour (et sans rien obtenir, non plus) dans le seul but d'aider cette école?»


Je vais répondre très vite à cela. Il est naïf de croire qu'on est en présence ici «d'une société d'État qui donne du cash sans rien demander en retour dans le seul but d'aider cette école». Il s'agit plutôt d'un particulier qui prend l'argent de la société d'État pour la donner à son ancienne école privée. Peut-être que lui ne demande rien en retour, mais pour qu'il décide de leur donner du cash, est-ce que son école lui aurait demander quelque chose en retour de l'éducation qu'il leur a pourtant acheter? Peut-être que non, mais le simple fait que ce scénario soit possible nous fait réaliser le degré d'irresponsabilité de l'homme en charge d'administrer les profits de la ressources qui nous a fait sortir du tiers-monde, en l'occurrence, Thierry Vandal.

Le simple fait que le bonhomme aie reçu son diplôme de cet endroit-là constitue un retour d'ascenseur. En d'autres mots, ce n'est pas dans le but d'aider l'école, c'est dans le but personnel de montrer sa loyauté.

De plus, le fait que l'école soit privée nous empêche de connaître la nature exacte des dépenses qui vont être faites avec cet argent. C'est-à-dire qu'ils n'ont aucun compte à nous rendre et, même si l'argent était utilisée de la meilleure façon possible, on en aurait aucune garantie, de là le danger de destiner des fonds publics au secteur privé. Un tel risque pourrait avoir des conséquences vraiment graves quand on tient compte du fait qu'il s'agit de quelque chose d'aussi important que l'éducation dont on parle.

Sur ce, j'ai l'impression que, si tu crois les questions que je pose sont moins «profondes» que celle que toi tu te poses, j'ai dû m'exprimer très mal. «Comment enrayer les conflits d'intérêts?»; «Pourquoi le PDG de Hydro n'est-il pas le produit du système public?» et «s'il avait été issu du système public et qu'il aurait subventionné son ancienne école - y aurait-il matière à scandale?» ne représentent que des détails en comparaison de ce que j'essaie de te faire comprendre.

En arrière-plan de mon argumentation on retrouve des questions comme les suivantes: «Quel type de société voulons-nous? Une société qui aspire à l'égalité ou une société dans laquelle riches, en y contrôlant les rouages, continueront de s'enrichir et les pauvres de s'appauvrir?»; «De quelle façon faut-il répartir la richesse collective?»; «Qui doit se charger de la répartir?»; «Comment s'assurer qu'elle est bien répartie de la façon dont les citoyens ont souhaité qu'elle se répartisse?»; «À quoi sert l'État?»; «À quoi sert l'éducation?»; «À quoi sert Hydro-Québec?»; «Comment démocratiser Hydro-Québec?» (qui serait, à mon avis, la plus intéressante); etc.

En terminant, si tu déplores «que ledit scandale ait forcé Notre-Dame à laisser tomber le financement (qu'il avait besoin, soit dit en passant)», ne t'inquiète pas trop. Étant donné que le statut privé de l'école Notre-Dame lui donne le pouvoir de décider comment elle utilise son budget, ce serait le moment ou jamais pour l'institution de diminuer certaines dépenses inutiles, comme par exemple les salaires de ceux qui se trouvent au sommet de sa propre hiérarchie et de prêcher par l'exemple en tant que «personne morale».

Comme le dit un de mes profs: "il ne faut pas voir la crise comme un problème, sinon comme une opportunité". Si Notre-Dame avait vraiment besoin de cet argent, on peut dire qu'elle se trouve devant une belle opportunité de se renouveler. Toutefois, si elle a décidé de refuser cet argent, c'est tout simplement parce que l'accepter l'aurait obligé à défendre l'indéfendable face à notre collectivité.

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